Cet après-midi-là, Firmin Forney n’a pas cours : l’élève de première est tout à sa troisième version de son « bras bionique » quand il répond à notre appel. Quelques jours plus tôt, l’adolescent, « quasiment 16 ans », nous avait adressé un « communiqué de presse » qu’il avait lui-même rédigé, dans lequel il présentait, dans les règles de l’art, sa « nouvelle main bionique open source, imprimée en 3D, conçue par un lycéen ». Intrigués, nous l’avons contacté, et nous n’avons pas été déçus.
L’été dernier, celui qui passe tout son temps libre à fabriquer mille et un objets nous explique avoir « finalisé la première version de “New Hand”, une main bionique fonctionnelle, gratuite et open source ». L’objectif : proposer une alternative abordable pour tous ceux qui n’ont pas les moyens de s’offrir une prothèse de main commerciale, dont le coût varie « entre 15 000 et 150 000 euros », expose-t-il.
Pour la « New Hand » il faudra en tout et pour tout investir près de 60 euros avec « tous les composants et l’impression 3D » pour la fabriquer, liste l’adolescent dont le visage est encadré par d’imposantes lunettes de vue noires. Les plans 3D, le code et l’ensemble des composants se trouvent sur son site qu’il a lui-même créé et sur lequel on peut aussi trouver des vidéos de présentation… qu’il a lui-même montées.
« Il apprend tout seul et parfois, je ne sais pas où il va chercher tout ce qu’il fait »
Firmin Forney est un touche à tout : « Il apprend tout seul et parfois, on ne sait pas où il va chercher tout ce qu’il fait », précisent dans un sourire ses parents, Sabrina et Fabrice Forney. Son « imagination créatrice » passe par du codage, des dessins, de l’électronique, de la chimie, du bricolage et mille et une autres choses. C’est bien simple, « il y passe tout son temps libre », ajoute sa mère. À tel point qu’il est parfois difficile de faire sortir de sa chambre-atelier ce passionné, un lieu où vous pourrez trouver « un fer à souder, du matériel de récupération, une imprimante 3D reçue à Noël, des produits chimiques et ses nombreux projets en cours ».
« Cela a commencé tout petit », se souvient son père : fan de Lego et de Kapla, Firmin fabrique, entre la maternelle et le primaire, « une première boîte dans laquelle une pièce permettait de débloquer un mécanisme et d’accéder à des bonbons ». Il s’est ensuite mis à « dessiner des inventions qui sortaient de son imagination, à démonter tout ce qu’il trouvait : vieille tondeuse, vieux jouets », postes radio, voiture téléguidée, télévision, téléphone…. Autant de composants de récupération qui vont lui permettre de donner vie à sa créativité.
« J’aime comprendre comment les objets fonctionnent et comment ils se fabriquent », renchérit le jeune homme. Une curiosité qui permet aujourd’hui à l’inventeur en herbe de réparer les consoles et les ordinateurs de ses proches qui tombent en rade. « Il a installé une arcade qu’il a restaurée, mis en place des émulateurs sur son ordinateur qui permettent de jouer à des vieux jeux vidéo comme Double Dragon », nous rapporte Noé, un de ses amis. S’il s’est pris de passion, un temps, pour la cybersécurité, il est ensuite revenu à son premier amour : la robotique.
Première des difficultés : faire en sorte que les doigts se ferment bien
Quelques années plus tôt, le jeune Firmin s’amuse à « construire des petits robots avec des boîtes à chaussures » dotées de « roues, de lumières et de programmation ». Mais les choses sérieuses débutent l’été dernier. « Pendant les grandes vacances », l’adolescent se lance d’abord dans une première version de main bionique – un prototype pour lequel il a remporté « un concours en février dernier, celui d’Innovez de Sciences et Vie junior ». Entre temps, la deuxième version est déjà terminée. Elle est « beaucoup plus fonctionnelle et utilisable pour des personnes amputées », souligne le jeune homme, ajoutant s’être appuyé sur un de ses camarades, « directement concerné », pour améliorer certaines fonctionnalités.
Pourquoi ce choix de se lancer dans une main bionique ? « Peut-être parce qu’il a toujours entendu parler de handicap à la maison », avancent ses parents, tous deux soignants sans être, ni l’un, ni l’autre, passionnés par l’électronique ou la robotique. Si le lycéen explique avoir pensé à d’autres prothèses comme une jambe, se focaliser sur les mains lui a semblé plus simple, « même si cela a été un défi de réussir à reproduire tous les degrés de liberté d’une main humaine », reconnait-il.
« J’ai d’abord construit une main avec des bâtonnets de glace et du carton. Et quand j’ai vu qu’elle était utilisable, on va dire, pour attraper quelques objets, je me suis dit qu'(…) en utilisant l’impression 3D et des technologies un peu plus poussées, je pourrais vraiment avoir une main qui marchait pour un prix absolument dérisoire », se remémore-t-il.
Première des difficultés : faire en sorte que les doigts se ferment bien. « J’ai fait plein de tests, j’ai travaillé sur plusieurs versions de doigts, en utilisant des méthodes différentes. C’est assez compliqué parce qu’il faut que cela fasse la même longueur qu’un doigt humain. Que les phalanges se plient dans le même ordre, avec la même force, que ce soit précis, en même temps que ce soit rapide et fort. Tout est question d’équilibrage », souligne-t-il. Si ses deux premières versions ont seulement quatre doigts, la troisième en aura cinq, assure-t-il.
Prochaine étape : des électrodes sur les muscles
Ensuite, il a fallu « habiller » le reste, pour faire en sorte que la main soit « confortable, solide, pas chère et facilement reproductible ». Question système de contrôle, le lycéen est passé d’un seul « petit interrupteur qui détecte quand on éloigne ou qu’on rapproche le bras du corps » à un système qui détecte si notre coude est plié ou pas : en fonction, la main s’ouvrira et se fermera. Le tout a été agrémenté « d’une application mobile qui permet de la contrôler via la commande vocale ».
Mais la prochaine étape sera de « placer des électrodes sur les muscles, comme les prothèses qui se vendent aujourd’hui », s’enthousiasme-t-il. Un projet qui nécessitera davantage de moyens, mais qu’il compte bien faire aboutir. Car il en est persuadé, il ne faut « jamais hésiter à se lancer dans un projet personnel ». Alors oui, il y aura toujours des problèmes non prévus qui surviendront, prévient-il. Mais « il faut tenter de les résoudre, ne jamais abandonner, et toujours essayer ».
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